7-2 | Table of Con­tents | DOI 10.17742/IMAGE.VOS.7-2.2 | Gwiazdzin­skiPDF


Résumé | En 2016 le mou­ve­ment « Nuit debout » a pris pos­ses­sion de l'espace pub­lic dans de nom­breuses villes français­es. Loin de la coloni­sa­tion par la lumière et le marché, loin du repli sécu­ri­taire ou du mar­ket­ing événe­men­tiel des « Nuits blanch­es », la mobil­i­sa­tion a notam­ment per­mis de redé­cou­vrir les dimen­sions poli­tiques et humaines essen­tielles de la nuit. Une pre­mière approche sys­témique et « chrono­topique » per­met de ques­tion­ner la visu­al­ité et l’invisibilité, de s'interroger sur le régime d'intermittence de cette « scène » noc­turne, sur l'organisation et sur les formes de ces agence­ments tem­po­raires con­nec­tés et sur l’intensité de ces « hyper­topes », ces lieux « aug­men­tés » par l’intensité des échanges - en face à face et à dis­tance - et l’expérimentation in situ.  Ici et ailleurs, ces appro­pri­a­tions (ré)inventent un espace pub­lic du faire, comme autant de « luci­oles » dans la « mul­ti­tude » et d’occasions "d’exister la ville."
Abstract | In 2016, the « Nuit débout » move­ment took over pub­lic space in numer­ous French towns and cities.  Rather than rep­re­sent­ing the col­o­niza­tion of night by light and com­merce, and lack­ing the con­trolled secu­ri­ty or event-mar­ket­ing of “Nuit blanche”, these demon­stra­tions quite remark­ably allowed for a redis­cov­ery of the essen­tial human and polit­i­cal dimen­sions of the night.  Through an approach both sys­temic and “chrono­topic” we exam­ine the visu­al­i­ty and invis­i­bil­i­ty of this night-time “scene,” with atten­tion to its regime of inter­mit­tence, its orga­ni­za­tion, the forms of tem­po­rary and con­nect­ed agen­cies involved, and the inten­si­ty of its “hyper­topes”, those places enhanced by the inten­si­ty of exchanges (both face to face and over dis­tances) and by in situ exper­i­men­ta­tion.  Here and else­where, these appro­pri­a­tions (re)invent a pub­lic space of action, like so many “fire­flies” amidst the mul­ti­tude and as occa­sions in which the city assumes its existence.

Luc Gwiazdzin­s­ki | l’Université Grenoble-Alpes

NUIT DEBOUT
Première approche du régime de visualité d’une scène nocturne

C’est la nuit qu’il est beau de croire en la lumière
Edmond Ros­tand

Pou­vant être blanche et noire à la fois, la nuit révèle l'homme et la ville dans leurs com­plex­ités et leurs ambiguïtés. Fin mars 2016 est apparu en France un mou­ve­ment atyp­ique appelé « Nuit Debout » qui intrigue au-delà des fron­tières hexag­o­nales. Né des man­i­fes­ta­tions con­tre le pro­jet de loi tra­vail de la min­istre Myr­i­am El Khom­ri- qui a servi de déto­na­teur et de catal­y­seur -, le phénomène qui a pris place dans les villes français­es inter­pelle le géo­graphe et les acteurs de la fab­rique de la ville con­tem­po­raine.[1] Les obser­va­tions, enquêtes et immer­sions effec­tuées depuis le début du mou­ve­ment en mars 2016 sur plusieurs sites dont Paris et Greno­ble per­me­t­tent d’engager une pre­mière réflex­ion sur le régime de visu­al­ité - com­prise par Mir­zo­eff comme une con­struc­tion sociale et cul­turelle­ment infor­mée - du mou­ve­ment en cours à par­tir d’une décom­po­si­tion sys­témique et de l’observation de l’équipement matériel de la socia­bil­ité, de ses objets et de ses man­i­fes­ta­tions dans les espaces et les temps de la ville.

Posture nocturne

Le nom même du mou­ve­ment Nuit Debout oblige à opér­er un change­ment de regard sur la ville et la société. La nuit urbaine est longtemps restée un espace-temps peu investi par l’activité humaine. La ville sem­blait privée de la moitié de son exis­tence, comme amputée de ses heures som­bres (Gwiazdzin­s­ki 2016, La ville 24h/24). Mais les temps changent. La cité revoit ses nyc­thémères et toute la société est boulever­sée. Dans nos métrop­o­les soumis­es au temps con­tinu de l’économie et des réseaux, une par­tie de la vie sociale et économique reste désor­mais en éveil.

Avec le mou­ve­ment des places, une autre nuit s’invite dans l’actualité du jour. Loin de la coloni­sa­tion par la lumière et le marché, loin du repli sécu­ri­taire et du mar­ket­ing événe­men­tiel des « nuits blanch­es », le mou­ve­ment per­met de redé­cou­vrir les dimen­sions poli­tiques et humaines essen­tielles de la nuit. L’histoire mon­tre que quand les opin­ions poli­tiques font l’objet de pour­suites, il reste la nuit pour les exprimer secrète­ment. Alors la nuit n’est plus licence, elle devient lib­erté. C’est là que les con­jurés se cachent, que les jacqueries se fomentent, que Spar­ta­cus lève ses troupes, que la résis­tance imprime ses jour­naux, que la Movi­da résiste au fran­quisme et que cha­cun refait le monde. C’est là que Nuit Debout a choisi de s’installer reprenant à son compte toute la charge sym­bol­ique et toutes les ambiguïtés de la nuit (Fig­ure 1).

Fig­ure 1. Inscrip­tion au sol, Nuit debout Paris

Fierté

Être debout la nuit, c’est être à con­tre-courant, défi­er les rythmes de Dame nature et la norme sociale dom­i­nante. La vig­i­lance de quelques-uns per­met au reste de la com­mu­nauté d’espérer des lende­mains qui chantent. On peut y décel­er la fierté de l'homme debout, celui qui se dresse et qui résiste. En con­tre­point, Nuit Debout a ringardisé deux formes clas­siques de mobil­i­sa­tions et de pra­tiques citoyennes : le ren­dez-vous télévi­suel du prési­dent de la République devant un pan­el de Français (« Dia­logues citoyens avec François Hol­lande. ») et les tra­di­tion­nels défilés du 1er mai même si de nom­breux mil­i­tants y par­ticipent égale­ment. Ces deux moments ont sem­blé relever d’une rhé­torique et d’une forme passées, celle de la société indus­trielle et de la moder­nité là où Nuit Debout a pro­posé autre chose, autrement. Même chose pour des fig­ures tutélaires du paysage audio­vi­suel français - comme le philosophe Alain Finkelkraut - ou les poli­tiques, qui ont ten­té la ren­con­tre ou la récupéra­tion sur la place de la République à Paris et ont sou­vent été priés d’aller débat­tre ailleurs.

Scènes et outre lieux

Nuit Debout fait date et a lieu. Le mou­ve­ment se déploie la nuit ou plutôt en soirée retrou­vant là une tem­po­ral­ité du poli­tique en temps de crise. Con­traire­ment à la Révo­lu­tion française, Nuit Debout ne fait pas table rase du cal­en­dri­er exis­tant. Il s’y installe et le change. Ici on compte en jours du mois de mars, date de début des man­i­fes­ta­tions. Même chose pour les lieux et les sym­bol­es exis­tants comme la Place de la République à Paris, qui sont appro­priés, cus­tomisés et détournés.

La pre­mière forme la plus vis­i­ble de Nuit Debout est sans doute l’occupation des places publiques dans la cap­i­tale et en Province (Fig­ure 2).

Fig­ure 2. Site per­ma­nent de Nuit Debout Grenoble

La sec­onde forme moins durable con­siste en opéra­tions qui se pro­jet­tent ailleurs dans la ville. Le mou­ve­ment ne s’enferme pas sur les places, mais mul­ti­plie ces hap­pen­ings comme devant la Société Générale le 20 avril 2016 en réponse à l’affaire des Pana­ma Papers.[2] À Greno­ble, une cinquan­taine de mil­i­tants de Nuit Debout ont par­ticipé à l’inauguration d’une nou­velle agence de la Société panaméenne de développe­ment pour dénon­cer l’évasion fis­cale de la banque française dans une ambiance fes­tive avec décor de palmiers et déguise­ments de ban­quiers. Les man­i­fes­ta­tions et les occu­pa­tions sont égale­ment l’occasion de tester des dis­posi­tifs visuels de murs de propo­si­tions, de graf­fi­tis et slo­gans aux pochoirs à la pein­ture biodégrad­able (Fig­ure 3) ou au net­toyeur à haute pres­sion sur les sols, voire de pro­jec­tions instan­ta­nées de tex­tos sur les façades en soirée (Fig­ure 4).

Fig­ure 3. Mur de propo­si­tions, Nuit Debout Grenoble

Fig­ure 4. Fab­rique de pochoirs, Nuit Debout Grenoble

Il se veut mul­ti­scalaire et frac­tal, ten­tant de se déploy­er sur les places (Fig­ure 5), de toutes les villes de France de la plus grande à la plus petite, dans les cen­tres et les périphéries encore peu asso­ciées avec #ban­lieude­bout. Avec #glob­alde­bout, il cherche des relais et des con­nivences hors de l’hexagone urbi et orbi. À Paris, place de la République, des représen­tants ital­iens, espag­nols, belges et alle­mands ont pris la parole, manière de met­tre en scène l’aura sup­posée de la mobil­i­sa­tion hexag­o­nale au-delà des fron­tières, de s’assurer des relais à l’international et de con­tribuer à l’hybridation des pra­tiques locales, translo­cales et glob­ales in situ.

Fig­ure 5. Nuit Debout Place com­mune, Paris

Les formes pris­es par ces dis­posi­tifs tem­po­raires peu­vent être décrites de dif­férentes manières (Fig­ure 5). Les rassem­ble­ments con­stituent des ter­ri­toires : « agence­ments de ressources matérielles et sym­bol­iques capa­bles de struc­tur­er les con­di­tions pra­tiques de l’existence d’un indi­vidu ou d’un col­lec­tif social et d’informer en retour cet indi­vidu et ce col­lec­tif sur sa pro­pre iden­tité » (Debar­bi­eux 910) éphémères avec leurs lim­ites spa­tiales et tem­po­raires plus ou moins floues, leurs acteurs, leurs pra­tiques, leurs pro­duc­tions, leurs rites (Segalen), leurs représen­ta­tions et leurs promess­es. Ces « agence­ments », « arrange­ments et dis­po­si­tions » (Deleuze et Guat­tari 1975), ces « ter­ri­to­ri­al­ités tem­po­raires » (Gwiazdzin­s­ki 2016, « Nou­velles explo­rations urbaines. ») et « archipéliques » sont égale­ment inscrits dans des réseaux physiques et virtuels. Loin de l’image des ter­ri­toires immuables et enfer­més dans leurs fron­tières, ils se déploient sur la toile et leurs géo­gra­phies relèvent de l’effervescence, de l’archipel et du réseau. En ce sens, il s’agit de lieux et de ter­ri­toires « aug­men­tés » par l’intensité des inter­ac­tions et des échanges in situ et au-delà - à tra­vers les réseaux soci­aux numériques - et par l’expérimentation sur le ter­rain et sur la toile que les notions clas­siques de lieux et de ter­ri­toires ne réus­sis­sent pas à saisir.

Chaque place sem­ble un lieu d’articulation au Tout-Monde (Glis­sant) et un point d’accueil aux idées et aux indi­vidus cir­cu­lants, mar­gin­aux sécants et acteurs de la mobil­ité des idées et des poli­tiques (McCann). Comme l’écriture d’Édouard Glis­sant, Nuit Debout occupe un cadre spa­tio-tem­porel, sans ligne de démarcation ni cloi­son. En ce sens, les notions de « lieu » et de « ter­ri­toire » util­isées par les sci­ences du ter­ri­toire ne sont plus sat­is­faisantes. La notion de « scènes » de William Straw parait mieux adap­tée à ce mou­ve­ment mul­ti­scalaire que celle de ter­ri­toire : asso­ciant à la fois un groupe de per­son­nes qui bougent de places en places, les places sur lesquelles ils bougent et le mou­ve­ment lui-même.

Fig­ure 6. Totem, Nuit debout Grenoble

À une autre échelle, celle du site et du lieu et afin de qual­i­fi­er les agence­ments chrono­topiques tem­po­raires émer­gents, nous pro­posons de forg­er deux notions. La pre­mière est celle « d’outre lieu », pour par­ler d’un lieu aug­men­té et dépassé, un lieu « au-delà du lieu », en lien avec des autres et des ailleurs, une sorte de « glob­al micro­space » (McCann) aug­men­té. La sec­onde est celle « d’hypertope ». Elle exprime sans doute mieux les car­ac­téris­tiques de ce type de sites et de lieux aug­men­tés : forte inten­sité des inter­ac­tions locales et glob­ales, physiques et virtuelles, dimen­sion expéri­en­tielle et expéri­men­tale, sys­tème de valeurs com­munes des acteurs, dis­con­ti­nu­ité spa­tiale avec l’environnement proche, régime tem­po­raire inter­mit­tent et vis­i­bil­ité temporaire.

Dialogues et résonnances

Les mem­bres de ces mou­ve­ments ne sont pas les seuls à la manoeu­vre dans l’espace pub­lic et dans l’éprouver à fonc­tion­ner selon les principes de la « machine de guerre » (Deleuze et Guat­tari 1980) pour ten­ter de recon­quérir un ter­ri­toire de lib­erté, faire vivre une utopie con­crète, une utopie du faire (Gwiazdzin­s­ki 2016, « Entre nou­veaux imag­i­naires et mobil­i­sa­tions col­lec­tives. »). Leurs démarch­es sont en réson­nance avec une mode actuelle qui val­orise l’expérience cor­porelle et le sen­si­ble, en lien avec d’autres occu­pa­tions de bâti­ments, de por­tions de ter­ri­toires et d’expérimentations « basées sur la dis­cré­tion, la fragilité, la sim­plic­ité, l’ouverture, le partage et la sol­i­dar­ité qui accueil­lent égale­ment l’incertitude struc­turelle et struc­turante de notre quo­ti­di­en » (Gwiazdzin­s­ki et Frérot, « Penser le frag­ile et l’incertain en vue d’une société vive. »).

Nuit Debout fait écho avec d’autres mou­ve­ments d’occupation des « places » à tra­vers le monde très bien relayés par les réseaux soci­aux et les médias : Occu­py Wall Street, les Indig­na­dos espag­nols en 2011, Athènes ou le Print­emps érable du Québec. On pense égale­ment à l’occupation de places du Print­emps arabe dès 2010 en Tunisie, en Égypte, en Libye. On ne peut oubli­er les images de la Révo­lu­tion ukraini­enne sur la place de l’indépendance, celles de la place Tak­sim à Istan­bul en 2013 ou de la Révo­lu­tion des para­pluies à Hong Kong. Elles s’inscrivent dans la longue his­toire des insur­rec­tions urbaines et du « Droit à la ville » (Lefeb­vre 1968) et ren­voient égale­ment à d’autres formes d’occupation et de résis­tance ter­ri­to­ri­al­isées con­tem­po­raines comme celles qui ont émergé quant à cer­tains pro­jets d’aménagement : les Zones à défendre (ZAD). C'est notam­ment le cas dans la lutte con­tre le pro­jet d'aéroport à Notre-Dame-des-Lan­des (Loire-Atlan­tique), le bar­rage de Sivens (Tarn), la « ferme des mille vach­es » à Ducrat (Somme), le Cen­ter Parc de Roy­bon en Isère (Fig­ure 7) ou le Grand Stade à Lyon.

Fig­ure 7. Bar­ri­cades sur la ZAD de Roybon

À une autre échelle encore, on a vu se dévelop­per les actes de « guéril­la jardinière/potagère », ces formes d’occupations portées par la « généra­tion végé­tale » (Bastien et al.) comme à Greno­ble avec les jardins d’utopie (Fig­ure 8) sur le cam­pus uni­ver­si­taire ou à Stras­bourg où des col­lec­tifs ont instal­lé, jardins, poulaillers et baraque­ments sur des espaces appar­tenant aux pou­voirs publics.

Fig­ure 8. Jardins d’utopie sur le cam­pus uni­ver­si­taire de Grenoble

Pluralités

Nuit Debout n’est assuré­ment pas un par­ti. Face aux jour­nal­istes qui cherchent à leur coller une éti­quette ou à les ren­voy­er à des représen­ta­tions clas­siques les mil­i­tants se définis­sent comme un mou­ve­ment, insis­tant de fait sur le proces­sus plutôt que sur la struc­ture et sur l’agilité plutôt que sur l’institutionnalisation. À celles et ceux qui leur deman­dent s’ils vont s’inscrire dans la poli­tique, ils rétorquent qu’ils en font déjà et oblig­ent leur inter­locu­teur à chang­er de par­a­digme. À celles et ceux qui leur deman­dent quelle forme de société ils souhait­ent, ils répon­dent en ren­voy­ant autour d’eux, à ce qu’ils expéri­mentent déjà sur place avec la ges­tion du site, la restau­ra­tion et la cohab­i­ta­tion entre pop­u­la­tions dif­férentes. « The process is the mes­sage » pour­raient-ils répon­dre en para­phras­ant les mil­i­tants d’Occu­py Wall Street. Le mou­ve­ment asso­cie des citoyens de dif­férents hori­zons et pas seule­ment des jeunes gens désœu­vrés comme le mon­tre toute une imagerie. À Paris, une étude menée par des chercheurs en sci­ences sociales auprès de 600 per­son­nes a plutôt per­mis de mon­tr­er la rel­a­tive diver­sité des par­tic­i­pants (Bacioc­chi et al.). Sur la place de la République, les quartiers les plus représen­tés sont plutôt ceux de l’Est parisien et 37 % des par­tic­i­pants habi­tant en Ile-de-France vien­nent en fait de ban­lieue. La majorité des par­tic­i­pants est diplômée du supérieur long, alors que ce n’est le cas que du quart de la pop­u­la­tion française. On compte 16 % d’ouvriers par­mi les act­ifs soit trois fois plus qu’à Paris. Sur tous les sites, les hommes con­stituent une majorité des par­tic­i­pants entre 60 et 70 % selon les soirées et ce pour­cent­age aug­mente au fil des heures. En ter­mes de gou­ver­nance, ce mou­ve­ment se déploie selon des modal­ités par­ti­c­ulières. Il n’est pas pyra­mi­dal, mais hor­i­zon­tal sans chef assumé même si des fig­ures comme l’économiste Frédéric Lor­don en seraient les insti­ga­teurs. Au fil des nuits et mal­gré un effort per­ma­nent de rota­tion, des per­son­nal­ités finis­sent par émerg­er du col­lec­tif plébisc­itées par les par­tic­i­pants grâce à un tal­ent d’animation et de syn­thèse ou un ent­hou­si­asme com­mu­ni­catif et sont naturelle­ment choyées par les médias. À Nuit Debout, comme à la Puer­ta del Sol à Madrid ou à Occu­py Wall Street à New York on par­le d’autogestion et de démoc­ra­tie sans leader. Comme les « zadistes », les mil­i­tants revendiquent un fonc­tion­nement hor­i­zon­tal, sans porte-parole.

Codes et lisibilité

Les par­tic­i­pants ont leurs codes ves­ti­men­taires, leurs pra­tiques et leurs rites. Le cœur du dis­posi­tif et son temps fort est l’Assemblée pop­u­laire. Tout le monde s’y retrou­ve pour présen­ter les avancées du jour, débat­tre et vot­er à main lev­ée sur de nou­veaux pro­jets et actions pour le mou­ve­ment et pour le site. À Paris, l’évacuation jour­nal­ière de la place par les forces de l’ordre et le remon­tage le soir suiv­ant sont deux rites fédéra­teurs. À Greno­ble où le campe­ment est tenu 24h/24 - suite à un accord par­ti­c­uli­er avec la munic­i­pal­ité - c’est la tra­ver­sée de la nuit, la sur­veil­lance du camp et l’entretien des lieux qui tien­nent lieu de rite et sont sujet à polémiques. Dans la Nuit Debout on s’assoit en cer­cles pour par­ler (Fig­ure 9), échang­er dans de nom­breuses com­mis­sions aux noms par­fois exo­tiques (éveil des con­sciences, tra­vail, anti­spé­cisme, loge­ment, mon­naie locale, ali­men­ta­tion, habi­tat, mobil­ité, droit à la ville, fémin­ismes…), mais aus­si sur des thèmes qui ren­voient à la chronophage organ­i­sa­tion de la vie quo­ti­di­enne : coor­di­na­tion, logis­tique, accueil et sérénité, com­mu­ni­ca­tion, déchets ou toi­lettes sèches.

Fig­ure 9. Cer­cles de parole, Greno­ble

On s’exprime avec les mains pour dire son appro­ba­tion ou sig­ni­fi­er un désac­cord. Il existe un vocab­u­laire, une rhé­torique par­ti­c­ulière mélange de l’air du temps et de l’héritage des luttes sociales d’antan comme « con­ver­gence des luttes ».

Entre peur et roman­tisme, « dan­gerosité » et « inven­tion d’un autre monde », le regard con­trasté de l’extérieur ren­force l’identité de ces mil­i­tants et de leurs com­mu­nautés tem­po­raires. Le mou­ve­ment intéresse la presse et les médias avec de nom­breux arti­cles et émis­sions au con­tenu oscil­lant entre la bien­veil­lance du jour­nal Libéra­tion et du site Medi­a­part, le sou­tien de l’Humanité et du Monde diplo­ma­tique et les cri­tiques du Figaro pour qui « les utopistes du début ont vite été dépassés par les événe­ments » (Jol­ly, « La face cachée de Nuit Debout ») et qui con­sid­ère que le mou­ve­ment est « l'hybridation d'un baba-coolisme pseu­do-soix­ante-huitard et d'une racail­li­tude brute de décof­frage jouis­sant de l'anéantissement de ceux qu'elle jalouse » (Lenes­ley, « Nuit debout : le tri­om­phe de la "los­er atti­tude".». Les par­ti­sans et les adver­saires par­ticipent à la lis­i­bil­ité du mou­ve­ment et l’enferment sans doute dans la car­i­ca­ture. De son côté, Nuit Debout maîtrise très bien sa com­mu­ni­ca­tion. Il pro­duit de nom­breuses représen­ta­tions (logos, affich­es, pan­car­tes, ban­deroles, etc.) qui le ren­dent lis­i­ble dans l’espace pub­lic et sur la toile. L’organisation gère sa com­mu­ni­ca­tion et la mise en scène du mou­ve­ment avec une radio et une télévi­sion et sur les places la com­mis­sion com­mu­ni­ca­tion est très active. À Paris, Nuit Debout a ses vedettes qui témoignent en direct sur Périscope tous les soirs. Le mou­ve­ment est égale­ment très act­if sur Twit­ter et Face­book notam­ment. Para­doxe par­mi d’autres, #nuit­de­bout est presque dev­enue une mar­que, un éten­dard, un mode de faire qui se décline à l’envie dans de nom­breux milieux et dis­ci­plines. En quelques semaines on a vu fleurir, les @architectesdebout, @enseignementsdebout, @avocatsdebouts ou @banlieuesdebout. Suprême pied de nez aux valeurs affichées par ce mou­ve­ment ant­i­cap­i­tal­iste, le 10 novem­bre 2016, « Nuit Debout » est offi­cielle­ment dev­enue une mar­que déposée à l’INPI. Ses pro­prié­taires vont pou­voir utilis­er le nom du mou­ve­ment à des fins com­mer­ciales. « Triste des­tin pour un nom qui aurait du rester inaltérable » (Gazette Debout, « La " mar­que " Nuit Debout privatisée. »).

Esthétique de la bricole et du précaire

Ces man­i­fes­ta­tions et occu­pa­tions par­ticipent à la pro­duc­tion d’une esthé­tique par­ti­c­ulière au sens d’« ensem­ble des car­ac­téris­tiques qui déter­mi­nent l'apparence d'une chose, sou­vent syn­onyme de design ou d'aspect physique » (Wikipé­dia, « Esthé­tique. »). Le recy­clage, le mod­este, le fru­gal, sont naturelle­ment présents quand il faut habiter le lieu, dormir et manger sur place avec les moyens du bord. Entre mobili­er de récupéra­tion et dis­co soupe, une esthé­tique de la bricole, du tem­po­raire et du frag­ile s’impose (Gwiazdzin­s­ki 2015). Les palettes se mélan­gent aux tentes, aux bâch­es des abris pré­caires, aux équipements de camp­ing et bib­lio­thèques libres, mais aus­si aux graf­fi­tis, affich­es et ban­deroles. Les ama­teurs de bons mots préféreront sans doute par­ler d’une « esthé­tique de la palette » pour l’opposer à une « esthé­tique de la pail­lette » pro­pre à cer­taines formes de spectacles.

Cette esthé­tique par­ticipe sans doute au sen­ti­ment d’appartenance, voire à l’émergence d’une « citoyen­neté visuelle » (Mor­gan), ce sen­ti­ment d’appartenance que con­fère le regard. Tous ces objets, tous ces dis­posi­tifs, cet équipement matériel de la socia­bil­ité se déploient dans le cadre noc­turne de la ville con­tem­po­raine avec ses bruits atténués, ses lumières arti­fi­cielles, le bal­let des phares de voitures et ses halos lumineux. La nuit tombe et avec elle s’installent peu un peu un cli­mat, une « ambiance » (Augo­yard), un envi­ron­nement et un paysage noc­turnes qui facili­tent la libéra­tion de la parole, les ren­con­tres et les échanges.

La nuit offre un écrin par­ti­c­uli­er aux dis­posi­tifs et aux idées. Comme dans un théâtre l’éclairage joue un rôle par­ti­c­uli­er. Il met en valeur les tentes et abris pré­caires des buvettes et des stands éclairés de l’intérieur. Une bougie ren­force par­fois le cer­cle d’une com­mis­sion au tra­vail. Cer­tains stands ont pris place sous les dis­posi­tifs exis­tants, lam­padaires et can­délabres. La dis­tri­b­u­tion de repas, de bois­sons alcoolisées, la cir­cu­la­tion de sub­stances var­iées, les pro­jec­tions de films sur les murs (Fig­ure 10), l’éclairage de la scène, le bruit du groupe élec­trogène et l’odeur des gril­lades con­tribuent à la mise en scène du lieu et de l’événement.

Fig­ure 10. Pro­jec­tions à Nuit Debout Grenoble

Le vis­i­teur non impliqué hésite entre le théâtre total autant visuel qu’auditif où chaque détail du décor est impor­tant et une esthé­tique sat­urée de la fête foraine qui investit tous les sens et fait de nous des arnaqués consentants.

Comme des papil­lons, nous nous diri­geons naturelle­ment vers les lumières, les odeurs, les méga­phones ou les haut-par­leurs qui ampli­fient les inter­ven­tions ou les ambiances musi­cales sou­vent en con­cur­rence. Cette logis­tique sonore déployée sur le site ou pen­dant les opéra­tions de pro­jec­tion de Nuit Debout, influ­en­cent sans doute nos corps et nos com­porte­ments comme l’ont mon­tré les travaux de Steve Good­man sur l’utilisation du son à des fins stratégiques, tac­tiques ou com­mer­ciales. Sans que l’on puisse ici par­ler de coerci­tion physique et psy­chologique, ces con­tri­bu­tions visuelles, nar­ra­tives, sonores, olfac­tives, gus­ta­tives ou spec­tac­u­laires, con­tribuent à ce qu’Allen F. Roberts, qual­i­fie de « refab­u­la­tion » des espaces et des dynamiques territoriales.

Comme tout mou­ve­ment poli­tique digne de ce nom, Nuit Debout a égale­ment ses mythes fon­da­teurs, ses batailles et ses héros blessés aux pre­mières heures de la mobil­i­sa­tion comme à Greno­ble le 31 mars. Elle a ses fig­ures légendaires comme Rémi Fraisse (Fig­ure 11), jeune mil­i­tant écol­o­giste mortelle­ment blessé par les forces de l’ordre lors d’une man­i­fes­ta­tion con­tre le pro­jet de bar­rage à la ZAD de Sivens. Elle a déjà ses films cultes comme Mer­ci patron de François Ruf­fin pro­jeté en boucle ou le doc­u­men­taire Demain de Cyril Dion et Mélanie Lau­rent. Des livres cir­cu­lent égale­ment par­mi les par­tic­i­pants comme TAZ d’Hakim Bey ou les deux opus du Comité invis­i­ble : L’insurrection qui vient et À nos amis.

Fig­ure 11. Por­trait de Rémy Fraisse, Nuit debout Grenoble

Glocalisation et expérimentation

Né de la con­tes­ta­tion à pro­pos d’un pro­jet de loi sur le tra­vail, le mou­ve­ment Nuit Debout se réu­nit autour de ques­tions plus larges comme le développe­ment durable, le loge­ment, le partage, l’alimentation ou la « Françafrique » et d’expériences comme celles des Amap ou des mon­naies locales. Il sert égale­ment de caisse de réson­nance et de relai à des col­lec­tifs plus anciens œuvrant sur ces ques­tions comme le DAL (Droit au loge­ment). Ces occu­pa­tions, ces actions et ces débats sont aug­men­tés, ampli­fiés par la mobil­i­sa­tion croisée sur la toile et les réseaux soci­aux, mais aus­si par la cir­cu­la­tion des per­son­nes mobil­isées d’un lieu à l’autre. Ils oblig­ent l’extérieur à se posi­tion­ner et favorisent le débat pub­lic en imposant égale­ment d’autres thèmes et ques­tion­nements. Entre « inter­sec­tion­nal­ité » et « con­ver­gence des luttes », on « glo­calise » en débat­tant d’ici et d’ailleurs, mais aus­si en bricolant, en cul­ti­vant, en mon­tant des spec­ta­cles et des per­for­mances. On expéri­mente comme par besoin de mon­tr­er in vivo sa cohérence : jardins, tentes, toi­lettes sèch­es, glaneurs pour s’approvisionner ou cuisiniers pour se sus­ten­ter et même poulailler.

Fabrique (Certeau) d’espace public

Les instal­la­tions de Nuit Debout sont du côté du sou­ple, du mobile et du tem­po­raire face aux amé­nage­ments et infra­struc­tures plus pérennes de la ville con­tem­po­raine ou aux bunkers de la cul­ture insti­tu­tion­nelle. Les occu­pants sont du côté du trans­ver­sal, alors que le pyra­mi­dal et le hiérar­chique restent de mise. Ils détour­nent et rusent là face à des insti­tu­tions « à bout de souf­fle » (Frérot) qui craig­nent l’innovation. Par leurs appro­pri­a­tions, ils fab­riquent une ville métaphorique qui résiste à la ville dom­i­nante (Gwiazdzin­s­ki 2016, « La ville à l’épreuve des places. »). Au moment où des expo­si­tions nous inter­pel­lent sur la pos­si­bil­ité d’ « habiter le campe­ment » (Col­lec­tif 2016), alors que l’État peine à trou­ver des solu­tions adap­tées pour l’accueil des migrants notam­ment à Calais (Fig­ure 12), les occu­pa­tions de Nuit Debout oblig­ent à s’interroger sur les modes d’habiter, les pra­tiques, mais aus­si les mots, les images, les sons, les représen­ta­tions et les incon­scients de toutes sortes qui les accom­pa­g­nent (Laz­zarot­ti).

Fig­ure 12. Habi­tat de for­tune dans la « jun­gle » de Calais

L’occupation inter­roge le mou­ve­ment actuel de pri­vati­sa­tion des espaces publics qui touche nos cités (Fig­ure 13). Elle incar­ne la résis­tance et l’affirmation de per­son­nes et de groupes invis­i­bles ou défi­nis en ter­mes négat­ifs : sans domi­cile fixe, tra­vailleurs pau­vres, migrants ou jeunes pré­carisés. Elle (ré)invente un espace pub­lic du faire qui n’a qua­si­ment plus de réal­ité par l’occupation des espaces publics urbains et l’émergence d’un espace pub­lic poli­tique. L’occupation déploie une prax­is ce faire dans lequel l'autre ou les autres sont visés comme êtres autonomes et con­sid­érés comme l'agent essen­tiel du développe­ment de leur pro­pre autonomie (Cas­to­ri­adis). Mieux, le mou­ve­ment Nuit Debout pro­pose une nou­velle dimen­sion de l’espace pub­lic comme « lieu du faire », un espace et un temps où tester les notions de col­lec­tif et de com­mun au sens d’Aristote comme pra­tique con­sis­tant à pro­duire, par le fait même de vivre ensem­ble, une lég­is­la­tion et des règles de vie s’appliquant à tous ceux qui pour­suiv­ent la même fin (Dar­d­ot et Laval).

Fig­ure 13. Mon­u­ment Place de la République

Utopies en actes, sit­u­a­tion­nisme et com­mun oppo­si­tion­nel. Ces « tiers lieux » (Old­en­burg) trans­ac­tion­nels et dialogiques tem­po­raires, ces con­fig­u­ra­tions « con­viviales » au sens d’Ivan Illich sem­blent pou­voir ren­forcer « l’autonomie de cha­cun » et per­me­t­tant « d’accroitre le champ d’action de cha­cun sur le réel » voire de con­stituer un « bien com­mun » (Bur­ret et Durieux, « Man­i­feste des Tiers-Lieux. »). Par leur capac­ité à faire vivre le lieu, à expéri­menter et à « faire ter­ri­toire », ces appro­pri­a­tions sont des utopies en actes. En s’appropriant les espaces publics, en fab­ri­quant des « com­mu­nautés d’expériences » - au sens de John Dewey -, des ter­ri­to­ri­al­ités ou spa­tial­ités tem­po­raires, des « temps com­muns » et des « sit­u­a­tions », les mil­i­tants con­tribuent à leur manière à chang­er le monde hic et nunc. Ces « com­mu­nautés d’affects » (Lor­don) sont égale­ment la mar­que d’une nou­velle reven­di­ca­tion au « droit à la ville » dans le loin­tain sil­lage d’Henri Lefeb­vre (Debord 1967). Le com­mun qui émerge dans ces dis­posi­tifs d’occupation est le lien vivant entre, d’une part, une chose, un objet ou un lieu et, d’autre part, l’activité du col­lec­tif qui le prend en charge, l’entretient et le garde (Dar­d­ot et Laval). On peut par­ler de « com­mun oppo­si­tion­nel » (Nico­las-Le Strat) cette expéri­ence sen­si­ble, à la portée forte­ment éman­ci­patrice, cette con­cep­tion sub­stantielle du rap­port cri­tique qui puise pareille­ment dans des affects « négat­ifs » et dans des affects « posi­tifs », qui les con­jugue pour, simul­tané­ment, dans le même mou­ve­ment cri­tique, des­tituer les normes d’activité dom­i­nantes et en instituer de nouvelles.

Néo-situationnisme et imaginaire

Les mil­i­tants ne se con­tentent pas de résis­ter et d’occuper. En vivant sur place, ils expéri­mentent in situ. « S’attacher à ce que l’on éprou­ve comme vrai. Par­tir de là » (Comité invis­i­ble 2007, 85) : la recom­man­da­tion leur sied à mer­veille. Ces acteurs qui cherchent des solu­tions « ailleurs que dans les livres » (Debord 2000) peu­vent être qual­i­fiés de « néo-sit­u­a­tion­nistes » (Gwiazdzin­s­ki 2013). Ils se réap­pro­prient du réel dans tous les domaines avec sou­vent l’exigence de chang­er le monde. Ils con­stru­isent des « sit­u­a­tions » : « Moment de la vie, con­crète­ment et délibéré­ment con­stru­it par l’organisation col­lec­tive d’une ambiance uni­taire et d’un jeu d’événements » (Inter­na­tionale sit­u­a­tion­niste) d’où peu­vent naître de nou­veaux imag­i­naires. À par­tir de ces sit­u­a­tions con­tre lesquelles « on se cogne » selon les mots de Lacan, ils cherchent à se « réap­pro­prier le réel » c’est-à-dire « ce que l’on n’attendait pas » (Maldiney 2003, 143) faisant con­fi­ance à l’épreuve des sit­u­a­tions, de l’improvisation et de la sérendipité.

Le détourne­ment défi­ni par la revue Inter­na­tionale sit­u­a­tion­niste comme « inté­gra­tion de pro­duc­tions actuelles ou passées des arts dans une con­struc­tion supérieure du milieu » (Col­lec­tif 1958) est sou­vent présent. La réflex­ion nous ren­voie naturelle­ment aux « moments » d’Henri Lefeb­vre, au choix de résis­tance par réap­pro­pri­a­tion con­sciente et cri­tique de notre quo­ti­di­en. C’est une invi­ta­tion à se réap­pro­prier nos vies, à objec­tiv­er ce qui nous objec­tive pour ouvrir les pos­si­bles à l’image de l’Oulipo. Enfin, s’il n’est pas cer­tain que ces acteurs « changent le monde », ils « boule­versent la vie quo­ti­di­enne » et changent la ville et le regard que l’on peut porter sur elle. À par­tir de ces sit­u­a­tions, ils trans­for­ment de sim­ples points sur la carte du monde en « lieux » qui « nous invi­tent à être » (Maldiney 2007).

« La modal­ité de l’imaginaire étant celle du poten­tiel » (Simon­don 56), ils éprou­vent, ils réalisent et ils font, ici et main­tenant. Grâce aux « arts de faire » (Certeau), « rus­es » sub­tiles, tac­tiques de résis­tance, ils se réap­pro­pri­ant l'espace et l'usage à leur façon et fab­riquent une ville métaphorique qui résiste à la ville dom­i­nante, « s’insinue ain­si dans le texte clair de la ville plan­i­fiée et lis­i­ble » (Certeau 142). À leur façon, ils recon­nais­sent l’importance de l’imaginaire, qui « con­jugué avec l’expérience, con­stitue la base même de nos géographies, nour­rit les con­cep­tions du monde et influ­ence les pra­tiques spa­tiales » (FIG, « Les ter­ri­toires de l’imaginaire. »). Ces dis­posi­tifs et agence­ments frag­iles et tem­po­raires par­ticipent d’une con­struc­tion de la réal­ité et offrent la pos­si­bil­ité d'un imag­i­naire alter­natif (Mir­zo­eff) qui con­tre­bal­ance la vis­i­bil­ité triomphante.

Laboratoire de la ville et de la citoyenneté

La démarche oblige à s’interroger sur la ville « lieu de max­imi­sa­tion des inter­ac­tions » (Claval), cet ensem­ble sans lieux ni bornes où la ren­con­tre est dev­enue dif­fi­cile. L’espace pub­lic méta­mor­phosé par l’occupation et l’expérimentation devient à la fois le lieu de croise­ments et de ren­con­tre, espace de débat et d’affrontements, « scène » (Straw) et habi­tat au sens d’Éric Dard­el pour qui « l’habiter » n’est pas seule­ment du loge­ment, mais « un mode de con­nais­sance du monde et un type de rela­tions affec­tives loin d’une approche abstraite ou tech­nocra­tique de l’espace ». L’espace pub­lic per­met d’exister, c’est-à-dire de « faire l’expérience de la présence en un lieu » (Maldiney 2007).

Ces occu­pa­tions tem­po­raires sont des lab­o­ra­toires vivants de la com­plex­ité. La mul­ti­pli­ca­tion - jusqu’à l’overdose - des com­mis­sions (Fig­ure 14) et des thèmes abor­dés met en évi­dence l’importance d’une approche sys­témique face à la ges­tion sec­to­rielle classique.

 Fig­ure 14. Pro­gramme jour­nalier, Nuit Debout Grenoble

Les Nuits debout sont une école de la citoyen­neté. Elles con­tribuent à faire émerg­er des « citoyens » au sens défi­ni par Fus­tel de Coulanges : « On recon­nais­sait le citoyen à ce qu’il avait part au culte de la cité » (246). Sous réserve d’ouverture per­ma­nente à l’altérité et au débat, elles peu­vent égale­ment con­tribuer à une revi­tal­i­sa­tion des mou­ve­ments d’éducation pop­u­laire hors les murs, à tra­vers des dis­posi­tifs péd­a­gogiques immer­sifs et réflex­ifs qui s’appuient sur l’expérience par la pra­tique et sur l’éprouvé de par­tic­i­pants dans une logique de « ter­ri­toire apprenant » (Jambes).

Entre médi­ati­sa­tion et mise en spec­ta­cle con­stru­ites d’un côté, mod­estie et sobriété revendiquées de l’autre, Nuit Debout est à l’image de nos sociétés con­tem­po­raines et de leurs para­dox­es (Barel). Elles ques­tion­nent la poly­va­lence des espaces publics et le partage des fonc­tions de jour comme de nuit. Elles inter­ro­gent les formes pos­si­bles de la ville mal­léable, réversible, adapt­able, inter­mit­tente, une ville où les fonc­tions se suc­cè­dent sur un même lieu évi­tant la con­som­ma­tion d’espace. Elles poussent à l’invention et l’intelligence col­lec­tive et plaident incon­sciem­ment pour la mise en place d’un « urban­isme tem­po­raire et tem­porel ». Nuit Debout n’est pas réductible à un lieu, un temps, un ter­ri­toire même si son nom l’enferme dans une pos­ture et un temps par­ti­c­uli­er. En ce sens, le mou­ve­ment est à l’image de la société con­tem­po­raine. S’il fal­lait trou­ver une forme, un con­cept, on hésit­erait entre celle des « luci­oles » de Pier Pao­lo Pasoli­ni par­ti­c­ulière­ment bien adap­tée à la nuit et à la mobil­i­sa­tion, celle de la « mul­ti­tude » d’Antonio Negri et Michael Hardt : ensem­ble de singularités con­ser­vant leurs différences et néanmoins capa­bles de penser et d’agir en com­mun, celle du rhi­zome (Deleuze et Guat­tari 1980) ou celle de « l’intermittence » (Gwiazdzin­s­ki 2012) comme une forme tem­porelle ou un régime par­ti­c­uli­er de visualité.

Nuit Debout est une scène poli­tique et cul­turelle stim­u­lante pour l’observateur. Elle nous oblige à adapter en per­ma­nence nos modes d’observation et d’analyse et à adopter une « ryth­m­analyse » (Lefeb­vre 1992) et une « pen­sée du trem­ble­ment » (Joignot) seule capa­ble de saisir les boule­verse­ments en cours. Les défis sont nom­breux et dépassent les seules ques­tions d’interdisciplinarité et de trans­fert de notions, con­cepts et out­ils. À tra­vers Nuit Debout, on observe un proces­sus néces­saire­ment com­plexe et mou­vant et non un résul­tat. On décor­tique des agence­ments tem­po­raires fur­tifs, des objets et dis­posi­tifs nomades, hybrides (Gwiazdzin­s­ki 2016, L’hybridation des mon­des), mul­ti- et « transter­ri­to­ri­aux » artic­u­lant la matéri­al­ité des dis­posi­tifs dans les espaces publics et le virtuel des réseaux. On observe des mou­ve­ments qui sur­gis­sent, et retour­nent à l’invisible, dans une tac­tique de la dis­pari­tion qui ne cor­re­spond pas aux formes de com­muns réper­toriées. À peine a-t-on iden­ti­fié un agence­ment émer­gent, une forme, un style, une esthé­tique, des dis­posi­tifs et un rythme qu’ils s’évanouissent déjà. Vis­i­bil­ité et invis­i­bil­ité, matéri­al­ité et vir­tu­al­ité, monde physique et monde virtuel, matéri­al­ité et état gazeux, con­stituent l’identité même de ce régime de visu­al­ité mul­ti­scalaire et inter­mit­tent particulier.

Cette pre­mière approche lim­itée à l’espace matériel et social met en évi­dence l’importance des inter­ac­tions entre acteurs et entre espaces physiques et réseaux soci­aux numériques. Elle oblige à dépass­er les approches dichotomiques entre espace matériel et espace virtuel pour une étude plus inté­grée des inter­re­la­tions (Hu, Gwiazdzin­s­ki et Wan) topographiques et topologiques Elle ouvre sur une réflex­ion plus large autour notam­ment des notions de « spa­tial­ités algo­rith­miques » (Beaude), des liens entre matériels et virtuel et des traces lais­sées dans les deux univers. Dans un monde liq­uide (Bau­man), pluriel et en méta­mor­phose, il nous faut en per­ma­nence dis­tinguer et reli­er. C’est le par­a­digme de la com­plex­ité aug­men­té (Morin) par la toile et les réseaux soci­aux numériques.

En juin 2016, le jour­nal Le Figaro s’intéressant à la face émergée et vis­i­ble du mou­ve­ment nous a offert une belle con­clu­sion par Eugénie Bastié : « Nuit Debout s’est recouchée. ». Ce faisant, il a égale­ment rou­vert le débat sur une belle inter­ro­ga­tion : en réper­to­ri­ant et analysant ces zones autonomes tem­po­raires (TAZ) à l’articulation entre les « Utopies pirates » du 18ème et la « cyber­cul­ture » du 21e siè­cle, n’accélère-t-on pas le cycle de leur dis­pari­tion-adap­ta­tion, visibilité-invisibilité?

Ouvrages cités

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Wikipé­dia. « Esthé­tique. ». Wikipé­dia. 2017. Web. 21 mars 2017.

Notes sur les images

Fig­ure 1. Inscrip­tion au sol, Nuit debout Paris. Sources : pho­togra­phies de l’auteur, 2016.

Fig­ure 2. Site per­ma­nent de Nuit debout Greno­ble. Sources : pho­togra­phies de l’auteur, 2016.

Fig­ure 3. Mur de propo­si­tions, Nuit debout Greno­ble. Sources : pho­togra­phies de l’auteur, 2016.

Fig­ure 4. Fab­rique de pochoirs Nuit debout Greno­ble. Sources : pho­togra­phies de l’auteur, 2016.

Fig­ure 5. Nuit debout Place com­mune, Paris. Sources : pho­togra­phie auteur, 2016.

Fig­ure 6. Totem, Nuit debout Greno­ble. Sources : pho­togra­phies de l’auteur, 2016.

Fig­ure 7. Bar­ri­cades sur la ZAD de Roy­bon. Sources : pho­togra­phies de l’auteur, 2016.

Fig­ure 8. Jardin d’utopie sur le cam­pus uni­ver­si­taire de Greno­ble. Sources : pho­togra­phies de l’auteur, 2016.

Fig­ure 9. Cer­cles de parole, Greno­ble. Sources : pho­togra­phies de l’auteur, 2016.

Fig­ure 10. Pro­jec­tions à Nuit debout Greno­ble. Sources : pho­togra­phies de l’auteur, 2016.

Fig­ure 11. Por­trait de Rémy Fraisse, Nuit debout Greno­ble. Sources : pho­togra­phies de l’auteur, 2016.

Fig­ure 12. Habi­tat de for­tune dans la « jun­gle » de Calais. Sources : pho­tos de l’auteur, 2016.

Fig­ure 13. Mon­u­ment Place de la République. Sources : pho­tos de l’auteur, 2016.

Fig­ure 14. Pro­gramme jour­nalier, Nuit debout Paris. Sources : pho­tos de l’auteur, 2016

Notes

[1] Min­istre du Tra­vail, de l'Emploi, de la For­ma­tion pro­fes­sion­nelle et du Dia­logue social du gou­verne­ment de Manuel Valls depuis le 2 sep­tem­bre 2015.

[2] Les Pana­ma Papers désig­nent la fuite de plus de 11,5 mil­lions de doc­u­ments con­fi­den­tiels issus du cab­i­net d'avocats panaméen détail­lant des infor­ma­tions sur des sociétés off­shore ain­si que les noms des action­naires de ces sociétés.


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